Le pilhaouaer

Autrefois chez ma grand-mère quand un vêtement était trop usé pour être porté et qu'il n'était plus possible de le rapiécer, on le mettait de côté pour le pilhaouaer. Le pilhaouaer était un personnage qui sillonnait les chemins de la campagne allait de village en village, de ferme en ferme en criant "pilhou, pilhou!.Pilhou en breton veut dire chiffon et pilhaouaer chiffonnier. Il venait des Monts d'Arrée, d'un endroit ou la terre n'est pas généreuse et a du mal à nourrir tous ses habitants. Le centre du département contrairement au littoral où il y avait plus d'activité(pêche, conserveries) était plus pauvres et les jeunes devaient parfois se contenter d'un travail pas très agréable. Ainsi ils partaient souvent à pieds, parfois tirant un charrette à bras certains avaient un cheval, on prétendait qu'il se nourrissaient d'un quignon de pain et dormaient dans les fossés.

Celui qui passait chez ma grand mère était à pieds, il avait d'un coté une caisse en bois qu'il portait en bandoulière grâce à une grosse lanière de cuire et sur l'autre épaule un gros ballot contenant les chiffons qu'il avait achetés. Quand je dis achetés ce n'est pas tout à fait exact, il donnait en échange des mouchoirs neufs de basse qualité ou un couvert, une petite cuillère ou tout autre objet sans grande valeur qu'il avait dans sa caisse en bois. Il "achetait " aussi les peaux de lapin qu'on gardait pendues dans un appentis jouxtant la maison en attendant son passage, ce qui lui valu le surnom de p'tit Jean peaux de lapin que les enfants lui criaient à son passage. Il les menaçait avec son bâton et ils partaient en courant.

Lorsqu'il passait dans notre village ma grand mère l'invitait quelque soit l'heure manger un morceau de pain avec du lard, lui servait un verre de cidre ou de vin. Il parlait beaucoup, je ne connaissais pas suffisamment le breton pour suivre ce qu'il disait, je trouvais qu'il avait un drôle d'accent. Ma grand mère l'écoutait en silence, elle se contentait de hocher la tête de temps en temps en signe approbation.

Le pilhaouaer avait mauvaise réputation, on disait qu'il était capable de chaparder tout ce qu'il trouvait et ne fallait pas le quitter des yeux lors de son passage. On le prenait aussi pour un croquemitaine, on disait aux enfants pas sages que le pilhaouaer allait venir les chercher pour les revendre.

Voilà quelques souvenirs d'enfance qui resurgissent.